Histoire de la communauté

Mère Geneviève

Sœur Irène
Au début des années trente du siècle dernier, quelques femmes de l’Église réformée de Suisse romande, des « Dames de Morges », redécouvrent l’importance du silence pour leur vie de foi, pour laisser résonner en elles la Parole de Dieu et lui permettre de porter du fruit dans leur vie quotidienne. Elles préparent, d’abord une fois par an, des retraites spirituelles qui ont lieu à Grandchamp et qui, peu à peu, se multiplient et s’élargissent. Une des initiatrices des retraites est Geneviève Micheli (1883 – 1961), veuve et mère de trois enfants, qui plus tard deviendra la première « mère » de la communauté. Les retraites spirituelles constituent ainsi la terre nourricière dans laquelle la communauté va naître. Rapidement en effet, le besoin se fait sentir d’ouvrir la maison toute l’année et d’y assurer une présence permanente de prière.
Sœur Marthe (Marguerite Bossert) et sœur Marguerite (Marguerite de Beaumont)
C’est Marguerite de Beaumont (1895 – 1986), qui va accepter cette tâche. Elle s’installe à Grandchamp en 1936, bientôt rejointe par Marguerite Bossert qui habitait le hameau. Avec la demande puis la venue en 1940 d’une troisième, Irène Burnat, se précise l’appel à une vie commune. Mais c’est seulement avec l’arrivée à Grandchamp, en 1944, de Geneviève Micheli, désormais Mère Geneviève, que la communauté se fortifie dans sa vocation et va se développer.

Enracinées dans la méditation de la Parole et attentives à la tradition de l’Église dans leur recherche d’une vie commune et dociles à l’Esprit Saint, les premières sœurs retournent aux sources : elles redécouvrent le courant de la vie monastique à travers l’amitié et le soutien de communautés anglicanes, catholiques et orthodoxes. Portant en elle la souffrance de la division des chrétiens, elles sont habitées dès les débuts par la prière de Jésus pour l’unité des siens et stimulées sur leur chemin par l’abbé Paul Couturier.

La rencontre avec frère Roger et les liens avec la communauté naissante de Taizé vont être déterminants pour la suite. En 1952, les premières sœurs s’engagent pour la vie. Elles adoptent la règle que vient d’écrire frère Roger et, peu après, l’office de Taizé, bases de leur vie commune et liturgique. Ce sera un tournant. La règle permet à la fois un approfondissement et un élargissement. Un approfondissement parce qu’elle enracinait la prière pour l’unité dans la réalité d’une vie communautaire, dans l’appel à vivre la parabole de la communauté. Un élargissement parce qu’elle explicitait un chemin nouveau, celui de la vie en fraternité : invitation à rejoindre de plus défavorisés dans leur lieu de vie pour y être une simple présence de prière et d’amitié, de partage.

Car la communauté grandit. Après la guerre, de jeunes femmes d’Allemagne, de France et des Pays-Bas ont rejoint les premières soeurs. Répondant à différents appels, des sœurs sont envoyées en fraternité en Algérie, au Liban, à Jérusalem et ailleurs. En 1954, deux ans après les premiers engagements à Grandchamp, deux sœurs partent ouvrir une maison de retraites en Suisse alémanique, le Sonnenhof, à Gelterkinden (près de Bâle) pour l’accueil d’hôtes germanophones.

La vocation d’unité et de réconciliation

 

La communauté s’inscrit dans une terre d’Église travaillée par le mouvement œcuménique dès le siècle précédent. Les sœurs portent ainsi en elles, dès les débuts, le souci d’une prière pour l’unité de l’Église.

Grandchamp étant situé non loin de la frontière linguistique et culturelle qui sépare la Suisse alémanique de la Suisse romande, les sœurs furent très vite invitées à faire les premiers pas à la découverte de « l’autre différent ». À travers l’accueil dans la communauté de femmes allemandes et hollandaises, peu après la 2e Guerre mondiale, la vocation d’unité s’élargit à la vocation de réconciliation.

« La prière œcuménique, la prière pour l’unité se trouve dès le début au cœur de la vie de notre communauté et cela a été très clairement l’œuvre du Saint-Esprit. C’est lui qui a permis les rencontres de nos premières sœurs (de Mère Geneviève) avec des moniales catholiques et anglicanes. Ces contacts leur ont été d’une grande aide dans leur recherche d’une vie de prière et de la vie communautaire. »

Sœur Minke

Quand, en 1954, quelques sœurs partent en Algérie – encore colonie française – elles expérimentent dans les années de guerre la vie en fraternité au milieu des plus démunis. Elles y vivent une présence qui touche toute la communauté. Mère Geneviève – qui est française – est choquée d’apprendre par la bouche de ses sœurs comment certains soldats français agissent. Pour elle, c’est une prise de conscience en profondeur. Impossible désormais de mettre toute la faute d’un côté : « Les autres » ne sont plus seuls à pouvoir commettre le mal. Cette prise de conscience – individuelle d’abord – traversera peu à peu toute la communauté. Une même prise de conscience se fera plus tard pour les sœurs hollandaises à propos de l’Indonésie, une ancienne colonie néerlandaise et à nouveau, plus récemment, avec l’arrivée de la première sœur africaine.

« L’évangélisation des profondeurs », un cheminement proposé par l’association « Bethasda », les « Exercices contemplatifs » initiés par le père Franz Jalics sj. et d’autres retraites et mouvements ont permis aux sœurs de découvrir la guérison intérieure et l’importance de la réconciliation avec soi-même et son histoire. Nous ne pouvons pas aimer l’autre sans nous aimer nous-même, et pour nous aimer, nous avons besoin de nous connaître.

Le mouvement de la « non-violence évangélique », que des personnes proches de la communauté transmettent aux sœurs, les aide à approfondir la notion du pardon. Il influence ainsi beaucoup cet aspect de la vocation, et il est reflété dans un des engagements que nous prenons à la profession.

Aujourd’hui la communauté compte une cinquantaine de sœurs venant de différentes Églises et de divers pays, cultures… La plupart vivent à Grandchamp, à Areuse, en Suisse romande, quelques-unes au Sonnenhof à Bâle – Campagne et d’autres en Suisse, aux Pays-Bas et en France. Dans chacun des lieux, l’essentiel demeure le même : la louange commune, la méditation de la Parole et le combat de la prière, l’appel à vivre la réconciliation, la vie communautaire comme parabole de communion, et le partage avec ceux et celles qui viennent. La communauté voudrait être ouverte à tous comme lieu d’écoute, de ressourcement.